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  Henri de Régnier – Réveil
   
 

Si le pavage est rouge et si le mur est blanc,
Si les rideaux du lit sont peints de fleurs naïves
Et si la vaste chambre où, le soir, tu arrives
Te donne un bon sommeil qu'achève un réveil lent,

Sois heureux. L'aube est claire. Une treille suspend
Le long de la croisée une grappe massive
Dont se gonfle par grains la pourpre qui s'avive
Sur le carreau veiné par un pampre rampant.

Lève-toi, les pieds nus, pour ouvrir la fenêtre.
L'odeur du foin qu'on coupe et du trèfle pénètre
Avec l'aurore gaie et le vent du matin.

Écoute ! Un arrosoir, là-bas, heurte une bêche,
Et plus loin, par-delà la haie et le jardin,
Le doux bruit d'une faux siffle dans l'herbe fraîche.

   
 
Henri de Régnier, « Réveil », in Les Médailles d'argile (1900)